
Un homme et son peuple
Pendant plus de deux heures, le public du Théatre municipal de Tunis a vécu dernièrement des instants heureux avec le personnage d’Habib Bourguiba, qui fut le premier président de la république tunisienne. A travers la pièce : « Bourguiba, la dernière prison », écrite et mise en scène par le revenant homme de théatre tunisien Mohamed Raja Farhat, ce public nombreux et appartenant Í plusieurs générations, particulièrement celles qui ont vécu l’époque du combat et du règne du grand leader, a retrouvé cet homme exceptionnel.
Il avait marqué de son empreinte l’histoire contemporaine de la Tunisie, en lui permettant d’être Í l ‘avant-garde de tous les pays arabes et musulmans, ne serait-ce qu’Í travers le Code du Statut personnel, promulgué en 1956, qui interdit la polygamie. La pièce est un long monologue ; o͹ Bourguiba, ou plutÍ´t le comédien et metteur en scène, incarne, jusqu’aux moindres détails, ce rÍ´le de composition. Il y est accompagné du gouverneur et d’une femme-médecin. Ces deux personnages sont plutÍ´t des figurants, dans la mesure o͹ ils ne prononcent pas mot durant toute la durée de la pièce. Nous le retrouvons pendant sa mise en résidence surveillée chez le gouverneur de Monastir, de 1987, date de sa destitution et qui a duré jusqu’en 2000, date de son départ Í jamais. Raja Farhat y préserve le style en franc-parler du discours de Bourguiba, o͹ il passe allègrement d’un sujet Í l’autre, tout en saisissant les points essentiels et la moralité de l’histoire. Et d’histoire, en histoire, celle de la Tunisie du vingtième siècle, y est racontée et narrée avec délicatesse. L’apport de Bourguiba dans tout ce qui avait été entrepris envers le pays et son peuple, n’est point omis. La pièce suit le rythme d’un discours du « Zaͯm », entrecoupé d’applaudissements ; o͹ il osait évoquer tout ce qui a trait Í la vie quotidienne de son peuple, en n’ayant jamais froid aux yeux. Le décor y est simple, avec une scène presque nue ; o͹ n’existent que trois chaises et une petite table. Portant un costume blanc, une « Chéchiya Mejidi », ou « Stambouli », comme appelée Í l’époque et une canne, Bourguiba est soutenu par ses deux assistants et interlocuteurs-auditeurs. Les va-et-vient de la scène vers l’avant-scène sont fréquents et quelque peu répétitifs. Mais cela donne plus de vie Í la pièce. Au fond de la scène, un écran géant transmettait la pièce aux spectateurs, par le biais d’une caméra vidéo. Et au début, comme Í la fin de cette pièce accrocheuse et belle, c’est l’ancien hymne national tunisien : « Ala khallidi », en l’occurrence, qui annonce la couleur. Des retrouvailles heureuses et malheureuses avec un pan de l’histoire de la Tunisie. Un bel hommage rendu au « Combattant Suprême ». Des prisons, Bourguiba en a connu, mais la dernière fut la plus inattendue et la plus humiliante.
B.L.