
Fiction ou documentaire ?
Pour son premier long-métrage de fiction : « El Challat » (Le Challat de Tunis), qui a été projeté récemment pour la presse Í la salle « Le Rio », la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hénia revient durant 90 minutes sur un fait divers qui avait eu lieu dix ans auparavant, soit en 2003. Il s’agit de l’histoire d’un « balafreur » en série qui avait défrayé la chronique.
Ses victimes étaient des femmes. Il s’attaquait tout simplement et en toute froideur Í leur derrière, pour le balafrer. Les belles rondeurs ne lui plaisaient guère. Il les préféraient aux cicatrices laissées et que ces femmes cachent par le tatouage. Mais la raison qui a poussé la réalisatrice Í faire ce film, c’est le fait que personne ne sait qui était le vrai « Challat. » Mieux encore, ce fait divers a été camouflé sous Ben Ali. Toutes les supputations avaient accompagné alors cette histoire. Et pour la raconter, Kaouther Ben Hénia a choisi la dérision en nous concoctant une fiction qui a plutÍ´t l’air d’un documentaire. Et cerise sur le gateau, elle y joue son propre rÍ´le, celui d’une réalisatrice qui mène l’enquête.
Il s’agit parfois de retrouver les vrais personnages de l’histoire particulièrement l’homme qui a été supposé être le vrai « Challat », alors qu’il ne l’était pas. Dan ce film, Kaouther Ben Hénia atteint le summum de la créativité en prenant son spectateur Í contre-pied ! Du jamais vu dans les annales du cinéma tunisien et une belle prise, si on veut ainsi la nommer. Elle y maÍ®trise et son sujet et sa manière de le traiter. Il s’agit ici de faire deux reconstructions simultanées : celle de la fiction et du traitement filmique par le truchement du genre documentaire. On entre dans le film, car ce dernier nous prend, en ne savant pas s’il s’agit d’un documentaire ou d’une fiction.
On dira que c’est tout simplement un film, tellement les genres cinématographiques se rapprochent, se rencontrent, s’entrecroisent et se confondent. Nous sommes dans l’air du temps et il n’existe pas de recette pour faire un film, aussi bon ou mauvais soit-il. « Le Challat de Tunis » prend des tons ironiques et dramatiques, Í la fois. L’idée que se font les hommes des femmes en Tunisie et s’il faut vraiment ou non balafrer une femme, si jamais elle portait des tenues un peu trop sexy(sic !) Qui ne plairaient pas aux « males », filtre dans ce film audacieux qui parle ouvertement de l’image de la femme dans les têtes des hommes en Tunisie. Ce film sort sur nos écrans dès le 1er avril. Et ce n’esty pas un poisson ou une rumeur qu’on avait voulu faire accepter Í propos du « Challat » de Tunis.
B.L.