
La nuit du martyr
La nouvelle pièce théatrale « Lilet El Ghafla », est une production du Théatre national tunisien. Une œuvre grandiose, d’une durée de deux heures, qui évoque la nuit fatidique du 14 janvier 2011 ; la première nuit de la révolution tunisienne dans un quartier d’une ville, Í Tunis, comme ailleurs. Sur un texte, une dramaturgie et une mise en scène du jeune Moez Achouri, cette pièce rend hommage aux martyrs de cette révolution, Í travers l’histoire de l’un d’eux, tué, victime du devoir, alors qu’il tenait la garde avec d’autres habitants de son quartier.
Toute la narration de la pièce s’appuie sur des faits réels, qui ne sont pas propres Í la pièce, mais qui collent parfaitement Í d’autres histoires similaires. Nous sommes Í l’intérieur de cette révolution, nous la suivons pas Í pas, les événements se succèdent, la peur s’installe, se dissipe, la mort rÍ´de, le courage devient plus fort. L’atmosphère coupe le souffle. Et toute cette histoire, o͹ chacun se retrouve, quelque part dans ce vacarme révolutionnaire et ce rythme rapide qui détermine les faits. Sur une scène nue, les acteurs y sont déjÍ , debout au fond, tous vêtus de blanc, comme s’ils allaient partir vers l’au-delÍ . Ils portent, en effet, leur mort vers sa dernière demeure, enveloppé sur une civière. Un tableau macabre qui annonce bien l’histoire et le propos, le contexte et l’intrigue ; celle de découvrir qui a pu tirer Í mort sur ce jeune homme ? Ce martyr de la révolution. La pièce repose, par moments, sur le théatre du mouvement et celui de la danse. Une transe qui vient s’infiltrer dans le jeu, pourtant fort des acteurs. Une oscillation entre divers genres théatraux, qui vient accentuer le rythme, pour raconter autrement l’histoire et pour donner un autre visage Í la narration. Chacun des protagonistes porte sa barricade, son appui, en fait, ça danse et ça gesticule, ça court et ça s’embrouille. Le manège n’y est point enchanté. Il est insupportable, triste et joyeux. Le souvenir du martyr y reste ineffaçable. C’est l’absurdité de la vie et de la mort. Les choses de la vie ; avec un rÍ´le sur mesure pour LeiLa Chebbi, en mère du martyr au sein de vingt autres acteurs et danseurs. La scénographie moderne et le cirque artistique, sont savamment exploités. Ils suivent le rythme narratif et donnent un plus, sinon un zeste nouveau Í ce travail ; o͹ l’on retrouve le théatre complet, dans toutes ses expressions artistiques. Une virée vers l’évocation intelligente d’un fait sans précédent dans l’histoire de la Tunisie contemporaine.
B.L.