
Un cri contre la précarité
« Ceci n’est pas un film », titre d’un film du réalisateur iranien Jaafar Panahi, encore emprisonné avec d’autres réalisateurs Í cause de leur cinéma audacieux qui va droit au but ! Nous vient Í l’esprit en regardant le premier long-métrage de la réalisatrice tunisienne Hind Boujemaa, projeté actuellement Í Tunis, Í la salle Hannibal, Í El Manar. Car ce premier opus est poignant. Il est classé dans la catégorie du documentaire, mais il est tout simplement une réalité qui dépasse la fiction.
Le cinéma du réel vient-il s’installer dans nos murs ? On en est tout simplement tout contents, car au moins lÍ , il n’y a pas photo. La réalisatrice a filmé durant les jours de la révolution tunisienne du 14 janvier 2011. Son histoire est d’ailleurs narrée avec des dates précises qui apparaissent sur l’écran, comme le 23 octobre 2011, date des premières élections libres et démocratiques en Tunisie post-révolution. Elles viennent épouser la réalité du cheminement d’une révolution, mais surtout la vie d’une femme prénommée Aͯda, menant une Í la limite de celle d’une SDF.
Elle combat une dure réalité ; celle de vivre dans la dignité afin de pouvoir nourrir ses enfants Í charge, étant divorcée et supporter en plus un enfant déficitaire mental. Filmant essentiellement avec une caméra portée, Hind Boujemaa nous surprend allègrement avec son cinéma au cœur de la misère humaine. L’histoire du personnage principal du film et des gens qui l’entourent existe en plusieurs versions dans notre société et particulièrement chez les gens en très grande précarité.
Mais, n’est-ce pas lÍ les raisons de la révolution tunisienne qui a éclaté pour le travail, la liberté et la dignité. Le filon est trouvé et le récit coule de source de la bouche même de cette bonne femme qui a fait la prison, tout en étant parfois condamnée Í tort, pour gagner sa vie. Sa quête d’un lendemain meilleur, que tous les tunisiens recherchent aujourd’hui et ne trouvent pas encore est son unique combat. Un combat au quotidien, qui commence par un squattage annoncé et ce qui s’ensuivit.
Elle et son fils handicapé mental sont des repris de justice. A cet effet, ils ont été filmés Í l’intérieur de la prison d’El Mornaguia et celle des femmes, Í Manouba. Un récit Í couper le souffle, même et s’il le faut, o͹ le langage cru y est présent, si bien que des coupures se sont avérées nécessaires. Qu’est-ce qui pourrait changer demain pour cette femme et pour le peuple tunisien, en général ? La question reste posée devant un train de vie ambigͼe et qui parait sans lendemain !
B.L.