
Nous avons rencontré l’extraordinaire réalisateur français M. Alexandre Arcady lors de sa visite en Tunisie pour le repérage des décors de son nouveau film. Je dis extraordinaire car c’est l’un des artistes les plus complets que j’ai eu l’honneur de rencontrer, sa sensibilité et son interaction prodigieuse avec la vie font de lui un génie et ce depuis ses débuts .
La phrase qui pourrait décrire l’émotion qui nous submerge quand on regarde ses films « c’est qu’on pleure un sourire… »
Jet Set : M. Arcdy, parlons un peu de votre dernier film « Comme les cinq doigts de la main » qui a eu sans le moindre doute un savoureux succès :
C’est un film qui est sorti il y 3 mois, une magnifique expérience avec une histoire très intime, puisqu’elle raconte la vie de cinq frères, moi-même je suis issu d’une fratrie de cinq garçons, et c’était pour moi une espèce d’introspection, sur ce que représente la famille, la fratrie… et dire que malgré les divergences un frère reste un frère comme une sœur d’ailleurs. Il y a ce lien du sang qui nous unit et qui nous rassemble dans le bonheur et dans l’adversité. En gros c’est ça l’histoire du film avec une maman hors norme jouée excellemment par Françoise Fabian, une maman magnifique qui m’a tellement rappelé ma mère. Je crois que le film est Í la hauteur du rêve que j’en avais et il restera pour moi une des plus belles expériences cinématographiques. Une belle rencontre avec les acteurs, j’ai retrouvé Patrick Bruel avec qui je n’avais pas tourné depuis 7 ans dans le film K, Vincent Elbaz, Pascal Elbé, Eric Caravaca et Mathieu Delarive, un groupe et une ame formidable. C’est vrai qu’on dit souvent ça après les films mais en l’occurrence lÍ ça a dépassé les prévisions même les plus optimistes, puisqu’ils se sont comportés comme des frères sur le plateau comme hors du plateau.
Jet Set : J’ai constaté que vous étiez très paternel avec vos acteurs :
J’ai tendance Í dire que sur le plateau il faut être un père autoritaire, et après le plateau quand le tournage est terminé, il faut être une mère attentive, quand on est metteur en scène il faut jouer de ces deux attitudes, l’autorité et puis l’attention et l’amour.
Jet Set : Le film est sorti en DVD ?
Il sort le 15 septembre en France avec beaucoup de suppléments très intéressants puisqu’il y a beaucoup de scènes inédites coupées que j’ai gardée dans le DVD, des interviews, le Making Off, tous ces suppléments qui font qu’au delÍ du film on rencontre la façon dont on l’a tourné.
Jet Set :Comment vous est venue l’idée de ce film ?
Ça fait très longtemps que je tournais autours de cette histoire, de ces cinq frères, quand on est issu d’une famille de cinq garçons c’est une conjoncture très particulière, on se connait depuis notre plus jeune age, on s’est vu, on s’est regardé grandir et puis il y a eu certaines oppositions, certaines inimitiés, certains élans d’amour. Et avec mon frère cadet j’ai toujours eu des rapports un peu compliqués, quand on est l’ainé et que le cadet arrive, quand on est blond aux yeux bleus et lui le petit bronzé en Algérie, quand on est aimé et adulé comme je l’ai été quand j’étais petit garçon et lui un genre de canard boiteux un peu violent… c’est cette opposition qui me plaisait Í mettre au cinéma. C’est un peu ça qui m’a incité Í faire ce film, et quand je l’ai montré Í mon frère, il m’a dit une chose assez incroyable « je ne savais pas que tu m’aimais autant ».
Jet Set : Donc vous avez mis un peu de vous dans un personnage et un peu de votre frère dans un autre ?
Evidement mon frère n’est pas un truand, il n’appartient pas Í la pègre mais il y a cette part de réalisme psychologique.
Jet Set :Et lÍ vous êtes en train de préparer votre nouveau projets, parlez-nous en ?
Oui j’ai la chance et le plaisir de commencer la préparation d’un film qui me tient vraiment Í cœur, puisque c’est l’adaptation d’un roman du grand écrivain algérien Yasmina Khadra. Le roman s’intitule « ce que le jour doit Í la nuit », je recommande vraiment de lire ce livre si vous en avez la possibilité et je vais même prendre un engagement « celui qui n’aime pas ce livre, je lui rembourse le prix d’achat », tellement je suis sur de moi, car quand on prend ce livre on ne peut plus le quitter parce que c’est une histoire incroyable, une sorte de « autant en emporte le vent » qui se situe en Algérie au temps de l’Algérie français entre 1928 et 1962, une grande saga, une magnifique histoire d’amour qui est raconté avec tellement de brio tellement de verve et d’émotion. Quand vous lisez le livre, vous regrettez même d’avoir fini chaque page tellement vous êtes transporté. J’ai la chance d’avoir acquis les droits de ce livre et d’en faire un film que je vais tourner très prochainement au mois d’avril mai juin 2011 avec une sortie en 2012 et hasard du calendrier ou pas, la sortie du film considéra avec le 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. C’est un film qui revêt une particularité assez forte tant sur le plan émotionnel que sur le plan historique.
Jet Set :Et pourquoi la Tunisie ?
Je suis en tunisie d’abord parce que j’ai toujours raconté l’Algérie Í travers les décors tunisiens depuis le coup de sirocco qui a été tourné Í Bizerte et Menzel Bourguiba, ensuite le grand carnaval toujours dans les mêmes régions. Alors aujourd’hui je reviens tout naturellement sur cette terre tunisienne que j’affectionne et qui va me donner des cadres de décors, ainsi que les studios de Quinta Production de Tarak Ben Ammar qui a construit une belle infrastructure ici en tunisie pour le cinéma. Donc un tournage très long et très important ici en terre tunisienne, un tournage également en Algérie Í Alger et Í Oran puis Í Marseille et Aix en Provence puisque l’action se déroule et se finit en France. Un projet de grande envergure, une très grosse production puisque il est question de 22 millions d’euro avec un casting qui va être assez éblouissant.
Jet Set : En parlant de casting, vous pouvez nous donner quelques noms ?
Je ne peux pas vous le dire pour l’instant puisqu’on est en tractation avec les acteurs mais il y aura énormément de grosses vedettes sur ce film.
Jet Set : Que représente ce projet pour vous personnellement ?
J’attendais depuis très longtemps un sujet comme celui lÍ pour aller jusqu’au bout de toute cette filmographie que j’ai abordé depuis le début de ma carrière de cinéaste. « Le coup de sirocco » a démarré ici, jusqu’Í « ce que le jour doit Í la nuit », c’est un même chemin, une même tracée avec un aboutissement qui est un magnifique feu d’artifice.
Jet Set : Vous en parlez avec beaucoup de passion, ça se voit que c’est un projet qui vous tient Í cœur, c’est en quelque sorte votre projet de vie ?
J’ai l’impression qu’inconsciemment j’attendais ce livre, parce que c’est un livre qui raconte le pays qui m’a vu naitre, l’amour qu’on peut avoir pour son pays natal, c’est un roman qui est écrit par un algérien et qui sera tourné par un français d’Algérie, il y a tout un symbole sur un film qui ne jettera pas l’huile sur le feu au contraire, ça sera un film sur l’apaisement. On verra une Algérie française un peu plus paisible que ce qu’on est habitué Í voir ? Je pense que c’est un film qui sera ni pour une reconnaissance, ni un parti pris pour la colonisation, mais qui essayera plutÍ´t de faire un tri entre le bon et le mauvais. Et c’est de cela qu’on va parler, de cet amour entre ces deux pays qui va donner naissance Í une histoire contrariée, puisque la symbolique du film c’est l’histoire de Younes Jonas ce personnage masculin qui représentera l’Algérie et Emilie qui représentera la France, ils se sont aimés d’un amour fou sans jamais aller jusqu’au bout de cet amour.
Propos recueillis par Neͯla Azouz