
Vous avez du remarquer que le cinéma tunisien est en train de vivre une mutation extraordinaire grace Í une nouvelle génération de réalisateurs, d’acteurs et de producteurs qui ont enfin compris qu’il ne faut pas choquer ni gêner pour plaire ou pour s’imposer.
Le film Nhebbek Hedi suit exactement cette logique, celle d’une histoire simple racontée avec profondeur et sincérité. Dès le début on est plongé dans l’univers du personnage, Hedi qui, comme son nom l’indique, est calme et introverti mais chez qui on voit de suite un mal être profond et douloureux…
Il suit les ordres de sa mère, de son frère, de son patron mais il n’est convaincu de rien, on a l’impression qu’il erre dans la vie sans avoir de but précis.
Les traditions sont lÍ aussi, bien ancrées avec toutes leurs fioritures et leurs contraintes pressantes… le devoir de se marier avec Khadija, la jeune fille casanière qui veut se caser car pour elle c’est logiquement une finalité.
Et voila qu’il rencontre Rim, une jeune femme pétillante qui assume sa vie et ses choix et qui l’emporte dans le tourbillon de l’amour, un amour simple avec des plaisirs simples.
C’est alors que Hedi n’est plus « Hedi » le calme, il se découvre, il découvre ses envies, il découvre une autre facette de lui et c’est lÍ tout le génie du réalisateur Mohamed Ben Attia qui a su modeler ce personnage avec beaucoup de générosité mais paradoxalement avec aussi beaucoup de retenu.
On est dans le vrai sans tomber dans les clichés, tout est présenté clairement mais subtilement.
Quant Í l’acteur Majd Mastoura, il est tout simplement époustouflant, il a adopté ce rÍ´le et l’a façonné Í sa manière pour en sortir l’essentiel, le tout avec un jeu sincère et honnête qui ne peut que convaincre.
L’actrice Rim Ben Massoud a elle aussi été bien choisie pour ce rÍ´le de femme libre, elle n’est ni fatale ni dans la séduction, elle est juste pleine de vie et d’amour Í donner sans se prendre la tête ni rien demander.
Tout ce qu’on peut dire, c’est que ces deux lÍ vont très bien ensemble, un tandem réussi qui nous charme grace Í une complicité et une envie de vivre contagieuse.
Pas de vulgarité ni de voyeurisme dans cette approche feutrée d'un rapport amoureux vertigineux. Pas de psychologie de bazar non plus. Rien que des images qui soulignent la souffrance et les limites de l’ame humaine.
En toile de fond, le réalisateur a su subtilement et Í travers les dialogues faire un constat sur la jeunesse tunisienne après le 14 janvier 2011, qui cinq ans plus tard tatonne encore, avance et recule.
A ce propos le réalisateur Mohamed Ben Attia nous explique : « O͹ en est notre jeunesse ? O͹ en est notre pays ? Ce sont les deux questions fondamentales qui irriguent cette histoire. Avec Rim et Ahmed, on découvre une jeunesse déchirée mais agissante, qui se retrouve obligée de quitter sa terre natale, pour trouver du travail. Avec Khedija, on découvre une jeunesse passive, voire anesthésiée. Avec Hedi, on découvre une jeunesse balbutiante, qui se cherche et qui hésite, tantÍ´t tentée de bouger, tantÍ´t de se laisser guider, de ne rien changer. Il cherche comme tant d’autres Í s’affranchir des traditions et Í s’émanciper.
En tissant ces personnages qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, nous avons aussi voulu brosser le portrait de la Tunisie telle qu’elle est aujourd’hui. Notre pays a la gueule de bois. Il n’est plus baillonné mais se retrouve dans une crise profonde sociale, religieuse et économique. Le constat est cynique mais c’est un principe de réalité que nous ne pouvons ignorer. Depuis cinq ans, les hÍ´tels ferment les uns après les autres. Des villes qui étaient prospères grace au tourisme se retrouvent aujourd’hui être des villes fantÍ´mes.
C’est dans ces paysages sinistrés que se déploient nos personnages. Ils incarnent l’errance tout comme notre pays tout entier. C’est la raison pour laquelle, nous avons voulu distiller ce mal être avec des parkings déserts, des entreprises qui tournent au ralenti, des plages et des piscines abandonnées, des hÍ´tels qui licencient car le personnel se retrouve plus nombreux que les touristes, par des buffets et des animations cache-misère. Bien plus qu’un personnage, Hedi représente notre pays. Il agit par saccades. »
Nhebbek Hedi est un film Í voir absolument, Í découvrir et Í déguster … sans modération !
Il sera dans les salles Í partir du 14 mars 2016, vous pourrez trouver le programme des projections dans notre rubrique AGENDA CULTUREL :
http://archive.jetsetmagazine.net/culture/festival/sortie-nationale-du-film-nhebbek-hedi-le-lundi-14-mars-2016-a-10h-a-tunis.12.434.html
ACTEURS
Hedi: Majd Mastoura
Rim : Rym Ben Messaoud
Baya: Sabah Bouzouita
Ahmed : Hakim Boumessaoudi
Khedija: Omnia Ben Ghali
Faten: Arwa Ben Smail
Producteurs : Dora Bouchoucha Fourati, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Nadim Cheikhrouha
Réalisateur : Mohamed Ben Attia
Scénario : Mohamed Ben Attia
N.AZOUZ