
Connaissez-vous Han Han ? Il s'agit du blogueur le plus lu au monde. Ce Chinois représente la nouvelle génération d'écrivains dans son pays. Ses prises de positions modérément critiques vis Í vis du régime lui permettent d'enregistrer près d'un million de clics par jour. Voici le portrait de cette figure du web mondial.
Il a tout juste 28 ans. En Chine, cet homme est incroyablement célèbre. C’est une véritable idole. Parce qu’il anime le blog le plus visité au monde. Parce qu’il publie des livres Í succès. Et parce que c’est un as de la compétition automobile. C’est même le seul qui ait jamais remporté la même année les championnats chinois de rallye et de course sur circuit.
Un petit prodige de l'écriture
L'écriture est la passion du jeune Chinois. Il a écrit son premier roman Í l'age de 17 ans (Les Trois Portes) et fait un carton avec son dernier livre 1988, I want to talk with the world. Depuis, il n'hésite pas Í prendre position sur des sujets sensibles et c'est souvent grace Í ça que ses textes sont autant appréciés. Son billet sur l'attribution du prix Nobel de la paix Í Liu Xiaobo, en prison, a rameuté près d' 1,55 million de curieux et entraÍ®né 28 000 commentaires. Comble de l'insolence, il titra son papier juste de deux guillemets (« - »). Celui qui sort cette année un livre titré "Blogs de Chine" a toujours était dingue d'écriture.
Sur le site de Rue89, son père explique que son fils écrivait "tous les soirs après avoir terminé ses devoirs, comme s'il était possédé. Il pouvait terminer une nouvelle de plusieurs milliers de mots en un soir. En plus, son écriture était jolie et propre. Il a alors envoyé ces dizaines de nouvelles et d'essais Í des maisons d'édition".
Han n'a pas la langue dans sa poche
Le blogueur n'hésite pas Í appuyer lÍ o͹ ça fait mal sur des sujets sensibles sur la Chine contemporaine. Il n'hésite pas Í lancer des petites attaques au gouvernement chinois pour asseoir ses convictions. Dans un de ses articles parus sur son média en 2008, il expliquait que "parmi ceux qui sont nés dans les années 1980, les plus vieux ont tout juste 28 ans, et les plus jeunes 19 ans, c’est-Í -dire que quand ils sont chefs de service dans le premier cas et puceaux dans l’autre, ils n’ont pas le moindre pouvoir. C’est pourquoi on ne doit pas imputer Í cette génération-ci les conséquences d’un exercice erroné du pouvoir, car elle n’en est pas responsable. Ce n’est pas parce qu'on n’a pas réussi Í se torcher le cul proprement qu’on doit se servir des cheveux du bébé de la génération suivante comme papier hygiénique". Des pensées immédiatement censurées par le régime qui n'a pas apprécié les prises de position du jeune auteur.
Han Han ne se place jamais dans un cadre déterminé, ni sur ordre ni par nature. Un jour, il s’est même exprimé en anglais sur son blog, pour établir ses “propres règles”. Il considère son attitude comme très naturelle, car, pour lui, ne pas remettre en question l’ordre établi est le premier pas vers le mensonge.
Liberté d'expression et nouvelle génération
Il est étonnant de voir que le Han Han bénéficie d'une censure beaucoup moins poussée que pour d'autres auteurs. Contrairement Í Ai Weiwei, un artiste contestant le régime, emprisonné plusieurs mois l’an dernier et interdit de quitter le territoire, il possède un statut Í part. Il représente la nouvelle génération de Chinois, une génération bercée par le modernisme et l'individualisme, qui aspire Í beaucoup plus que ce que peut lui offrir le gouvernement actuel. Il est influent et son succès veux dire quelque chose.
Selon lui, la génération "post 1980" ne parle plus de politique, mais s'exprime librement. Il fait remarquer dans les colonnes du Monde que "dire la vérité et se battre avec le gouvernement, les gens trouvent ça excitant pendant un temps. Mais vous savez, les Chinois aiment la nouveauté... Beaucoup d'auteurs sont devenus célèbres grace Í cela".
“Avant, j’étais très en colère lorsqu’il y avait des catastrophes minières. A la cinquantième, j’ai trouvé ça tragique. A la centième, je me suis dit qu’on pouvait y trouver du comique.” Pour lui, “le destin de la Chine peut être vu comme un film”. Han Han peut sembler paradoxal. Quasiment aucun écrivain ou grand savant ne semble lui inspirer de respect, Í tel point qu’on peut se demander s’il admire vraiment quelqu’un en dehors de lui-même. Son arrogance est étonnante. Mais sa liberté et sa capacité Í sortir des sentiers battus ne peuvent être sous-estimées. Que veut-il, en définitive ? Une vie brillante ou une vie dramatique ? “Une vie harmonieuse…”, répond “le jeune maÍ®tre Han”.
Un tel succès a freiné l'activité de l'écrivain sur internet. Celui qui est venu au blog "par accident" est depuis quelques temps en plein doute concernant la poursuite de sa carrière sur le web. Il déclare dans Le Monde : "Parfois, j'ai encore envie d'écrire des blogs. Mais désormais, quand j'ai fini un texte, je vais peut-être le garder pour moi. L'important, c'est de m'exprimer." Celui qui est le "porte-parole" de la nouvelle génération chinoise va laisser bien des orphelins lorsqu'il va définitivement raccrocher le clavier d'ordinateur.