Interview avec le Chef de Cuisine Ali Dey Daly

Ali Dey Daly est un jeune homme surprenant, attachant et surtout gorgé de talent. Il a su faire de son métier, un art qu’il maitrise, chérit et d

Interview avec le Chef de Cuisine Ali Dey Daly

Ali Dey Daly est un jeune homme surprenant, attachant et surtout gorgé de talent. Il a su faire de son métier, un art qu’il maitrise, chérit et développe en toute sérénité.
Nous l’avons rencontré lors de ses vacances Í  Tunis, et nous avons profité de sa disponibilité pour réaliser cet entretien qui vous fera découvrir une autre facette du métier de chef de cuisine qui continue de jour en jour Í  charmer un très large public.

JS : Comment êtes vous tombé amoureux de la cuisine ?

ADD : Ma première véritable passion ce n’est pas la cuisine, c’est plutÍ´t comment faire plaisir aux autres et j’ai découvert que la cuisine était une très bonne manière pour le faire.
Haut comme trois pommes, je concoctait déjÍ  avec ma mère des petits plats pour la famille et les invités de mon père qui ne manquaient presque jamais , puis Í  l’age de 11 ans j’ai fait mon premier stage d’été en cuisine ici en Tunisie et quand mes amis se prélassaient Í  la plage, moi j’épluchais les oignons… mais j’ai adoré le faire chose qui a fortement étonné plusieurs de mes comparses.

Puis c’est Í  l’age de 14 ans que mon aventure a officiellement commencée. A l'époque j'étudiais au lycée et j’ai décidé de quitter après une longue discussion avec mes parents, qui je le reconnais, ont été très compréhensifs, et ce afin d’entamer un stage de cuisine Í  l’école de tourisme et hÍ´tellerie Í  la Charguia o͹ j’ai fait un CAP  de cuisine et par la suite un BEP de cuisine ce qui m’a permis de travailler en Tunisie.

A l’age de 15 ans j’ai effectué mon premier stage Í  l’hÍ´tel Abou Nawas Tunis avec une brigade de 50 personnes pendant 4 mois. Par la suite j’ai effectué un stage d'été au restaurant La Closerie ou je me suis vraiment régalé car j’avais un bon poste en cuisine ce qui m’a permis aussi de m’adonner Í  la création.
Puis j’ai été Í  l’ex Spoon Villa Didon, au restaurant le Golf ou j’ai été formé par le Chef Elyes Somaͯ et chez Yvan Í  la Maison blanche Tunis.
Et Í  l’age de 18 ans j’ai déposé mon dossier Í  l’institut Paul Bocuse Í  Lyon. C’est Í  ce moment lÍ  que le vrai grand challenge a commencé !

JS : Comment fait-on pour être accepté chez Bocuse ?

ADD :  C’est assez compliqué car ils ne prennent que 25 étudiants par an, c’est l’équivalent d’un étudiant sur dix.
Chez Bocuse il ne faut pas seulement savoir cuisiner, car aujourd’hui un bon chef doit avoir une ouverture d’esprit, une culture générale et culinaire développée et une créativité sans limites...
J’ai intégré l’institut fin 2008, ou j’ai fait mon bachelor en art culinaire et management de la restauration, une formation considérée comme la meilleure au monde dans les arts culinaires, puis j’ai réussi Í  intégrer les meilleures maisons gastronomiques françaises telles que le Plaza Athénée au fameux restaurant 3 étoiles d’Alain Ducasse" Alain Ducasse au Plaza Athénée". A l'époque c’était le deuxième 3 étoiles de ce grand chef qui par la suite en a ouvert un autre Í  l’HÍ´tel Meurice.
C'est ainsi que j'ai découvert un monde coriace ou il fallait être concentré et très méticuleux 16h par jour non stop, car derrière une belle assiette, il y a des semaines de travail, de création, de dégustation…

Après le Plaza Athénées j’ai intégré la cuisine de l’hÍ´tel Le Meurice un 3 étoiles qu’on retrouve dans le prestigieux guide Sanpellegrino, ce dernier cite les meilleurs 50 restaurants au monde. LÍ  j’étais avec le chef étoilé Yannik Alléno titré meilleur chef au monde 2008, un chef plus jeune et avec plus de fraicheur dans sa cuisine Í  la différence de Ducasse qui lui préfère la cuisine française et méditerranéenne.

Vous savez, chaque chef a son style, et c’est justement trouver son style qui est la chose la plus dure pour un cuisinier. Aujourd’hui on peut reconnaitre la touche et l’identité de chaque chef en regardant tout simplement le plat, chacun a ses méthodes de cuisson, son dressage et son choix de vaisselle.

Après un an passé Í  l’hÍ´tel Meurice, j’ai travaillé pour le magazine YAM, une revue exclusivement destinée aux chefs professionnels et Í  une cuisine très pointue, et c’est Í  partir de lÍ  que j’ai commencé Í  travailler sur l’image, avec des  shooting photos, des nouvelles recettes et des créations innovantes… mais le plus dur ce n’est pas seulement de réaliser un plat mais de l’écrire par la suite, car chaque plat doit raconter une histoire, on doit expliquer toute son évolution.

Après Meurice, je suis retourné Í  l’institut Paul Bocuse pour intégrer le premier Master en Art Culinaire au monde. Mon père étant fatigué je ne voulais pas trop m’éloigner de la Tunisie.
Je voulais approfondir mes études dans la création de nouveaux concepts de restaurants, mais aussi  pour m'adonner Í  l'art culinaire dans sa globalité, car l’implication d’un chef n’est pas seulement d’être en cuisine, mais aussi de se concentrer sur tous les autres aspects tels que le choix de la vaisselle, la nappe, la décoration…

JS :  vous créez quels sortes de concepts ?

ADD : Je créé différents concepts, pas seulement gastronomiques mais aussi des Fast Food de luxe, le but étant de faire découvrir la bonne cuisine Í  tout le monde car de nos jours aller dans un 3 étoiles Michelin devient de plus en plus difficile…

JS :  Par la suite, vous êtes allé Í  la découverte du monde , racontez nous..

ADD :  J’ai été embauché par le Groupe Le Duff pour ouvrir les 5 premières Brioche Dorée Í  Shanghai. Ce n’est pas de la grande gastronomie, mais l’expérience d’implanter 5 restaurants en 4 mois, de les ouvrir et de les faire tourner dans un pays qu’on ne connait pas, était un superbe challenge. Il fallait s’adapter aux habitudes culinaires du pays, car en Chine, ils n’ont pas de farine et ne mangent pas de pain. Donc il fallait créer de nouveaux process, étudier le palais de la population et adapter le pain aux saveurs locales avec notre farine de blé traditionnelle.
Dans chaque pays que j 'ai eu la chance de visiter, les produits et la matière première sont totalement différents, il faut prendre en compte la saisonnalité, le climat mais aussi les traditions, la culture et les goÍ»ts locaux.
C’est un métier ou il faut surtout être curieux pour s’imprégner de toutes ses différences et les comprendre.

Après 5 mois Í  Shanghai, une ville extraordinaire ou j’ai pu découvrir énormément de choses, je suis retourné en France pour finir mon Master et en parallèle je travaillais toujours en tant que consultant développeur de concept et de toutes les cartes de restaurants.

JS :  En quoi consiste votre rÍ´le de consultant et développeur de concepts ?

ADD :  On est trois dans l'équipe et chacun est spécialisé dans un volet bien précis, ce qui nous rend parfaitement complémentaires.
Le premier est spécialisé dans la gestion et ContrÍ´le des coÍ»ts, le deuxième dans la partie salle, et moi dans la partie culinaire. On arrive et on refait le restaurant, on refait toute l’offre, on remet en place une nouvelle carte gastronomique ou un peu moins pointu, ça dépend.

JS :  La cuisine est un art mais aussi des techniques. Donnez nous des exemples ou un secret de chef !

On peut développer un produit de plusieurs façons différentes, cru, cuit, mi-cuit, fumé… je peux vous donner l'exemple du fameux œuf parfait, qui cuit Í  62,3 degrés pour que le jaune et le blanc coagulent en même temps. Par la suite c’est le client qui le casse dans son assiette. Et c’est ainsi qu’on arrive Í  mettre en valeur un produit pas cher et le transformer en un met délicieux.

JS :  Comment ça se passe, est ce que vous créez de nouveaux concepts ou est ce que vous actualisez les anciennes enseignes qui ont besoin d’un petit coup de fraicheur ?

ADD :  On travaille avec des gens qui ont déjÍ  des restaurants ou des hÍ´tels en route depuis plusieurs années, dans ce cas on passe 5 ou 6 semaines et on refait toute la gamme toujours en respectant l’ADN de l’établissement.
Par ailleurs il y a d’autres investisseurs qui veulent investir dans de nouveaux concepts ou hÍ´tels et lÍ  c’est un process totalement différent qui est plus long en termes de temps.

JS :  Ce sont des gens du métier qui font appel Í  vous ou est ce des hommes d’affaires qui préfèrent appeler des professionnels pour mettre en place le projet ?

ADD : Les deux ! On peut trouver des hommes d’affaires qui ont beaucoup d’argent et qui ne savent pas ou le mettre et ça peut être aussi des professionnels qui ont envie de rénover.

JS :  Vous êtes parti en Scandinavie pour ça ? Parlez-nous-en ?

ADD :  Je suis parti passer 4 mois en Scandinavie, afin de créer une carte pour de l’événementiel haut de gamme en Norvège. Par la suite j'ai intégré le Gastronimic Institut o͹ j'ai eu la chance d'observer la préparation de plusieurs grands chefs pour le concours du Bocuse d’OR, qui est le prix le plus important du métier et qui se fait tous les deux ans Í  Lyon. C’était une étape importante car je pense participer a ce prestigieux concours dans les prochaines années.

JS :  Dans la sphère culinaire, vous avez le statut de Chef ?

ADD :  Ça dépend dans quelle structure. Maintenant, j’ai le statut de Chef Cuisinier et Chef consultant mais si je retourne travailler dans une structure plus importante ou un restaurant étoilé, je serai plutÍ´t assistant ou sous-chef.

JS :  La vaisselle prend aussi énormément d’importance dans l’art culinaire ?

ADD :  La vaisselle est devenue un élément essentiel de l’art culinaire. D’ailleurs j’ai la chance de travailler avec Haviland qui est l’une des plus importantes marques de porcelaine au monde, c’est le Hermès de la vaisselle. Je collabore avec leur designer pour lancer leur nouvelle collection d’assiettes tous les ans autours d’un repas Í  la Rue Royal Í  Paris.
Notre travail consiste Í  créer avec le designer une collection design, pratique et intéressante pour les autres chefs.

JS :  Vous avez participé Í  quelques émissions culinaires ici en Tunisie, comment voyez vous votre métier dans notre pays ?

ADD :  Je n'aime pas le dire mais rares sont les gens passionnés de cuisine en Tunisie qui aimeraient en faire un métier, on peut les compter sur les doigts d’une main. C’est aussi pour  cette raison que j’ai envie de faire découvrir ce métier et encourager les passionnés.

Il faut savoir que quand on a un BTP on a l’équivalent d’un bac, ce qui permet par la suite d 'intégrer n’importe quelle école professionnelle. Il faut juste être sÍ»r de vouloir faire la profession qu’on a choisi.

Ce que j’ai remarqué depuis quelques temps, c’est que mon entourage commence Í  s’intéresser Í  ce que je fais, Í  vouloir comprendre ma formation, les étapes Í  franchir, quel futur peut on avoir dans ce métier… et cela me fait énormément plaisir car quand j’ai fait ce choix, j’ai eu droit Í  beaucoup de critiques, des interrogations et ce sont justement les mêmes personnes qui maintenant s'intéressent Í  mon parcours…

JS :  Que pensez-vous de cet engouement qu’il y a par rapport Í  votre métier, les émissions de télé, les chefs stars. Est-ce que ça sert en bien votre métier ?

ADD :  Je pense que depuis 2007 il y a eu une montée fulgurante et une grande tendance dans le monde entier par rapport Í  la cuisine, les gens ont commencé Í  avoir l’envie d’apprendre et surtout de savoir comment et qu’est ce qu’ils mangent. Ils n’ont plus le temps de faire Í  manger pendant des heures, ils veulent quelque chose de bon, de beau et de rapide.
Il existe plusieurs émission de télé et de magazines qui parlent de cuisine et je pense que c’est une bonne chose car c’est aussi un moyen de s’informer et de savoir ce qui se passe ailleurs. Ça nous aide aussi Í  raconter ce qu’on fait et Í  nous faire connaitre.


JS :  Après ce grand tour culinaire, ou allez vous atterrir maintenant ?

ADD :  je suis chef d'une grande et luxueuse brasserie de luxe parisienne La Villa. 37 avenue de Friedland Paris 8éme.

JS :  C’est quoi vos projets personnels, va-t-on voir une enseigne ADD ?

ADD :  Dans 36 mois j’ai prévu de monter un projet de restaurant gastronomique ici en Tunisie mais je ne veux pas précipiter les choses, je veux avoir un bon emplacement, monter une bonne équipe et bien ficeler le projet.

JS :  Parlez nous de votre concept, concrètement qu’est ce que vous avez en tête ?

ADD :  Je veux faire deux choses, la première c’est un restaurant gastronomique ou je vais m’épanouir réellement, avec un concept minimaliste, simple et c’est ce qui sortira de la cuisine qui va être la star.

En Tunisie on a un terroir très riche o͹ j’ai réussi Í  trouver des produits extraordinaires mais qui sont malheureusement très mal distribués. On a du mal Í  avoir quotidiennement tous les produits des plats qu’on propose dans le menu, c'est pour cela qu'il faut réunir les bons fournisseurs pour avoir la qualité requise.
Le deuxième projet consiste Í  créer une petite connexion de restaurants, des petits bistrots qui se ressemblent tous mais o͹ l’on mange différemment, ça sera plutÍ´t destiné au grand public. Le but c’est de les faire voyager et de leur faire plaisir avec des plats simples et bons.
J’espère surtout que la situation du pays se stabilise car on a besoin de ça pour pouvoir foncer et monter des projets.

JS :  Vous allez remettre la cuisine tunisienne au gout du jour, ou est ce que vous allez proposer une cuisine plus internationale ?

ADD :  La cuisine tunisienne n’est pas mon point fort, mais ce que j’ai envie de faire c’est y apporter mon savoir faire pour la développer avec mes propres techniques. On va surement retrouver la cuisine tunisienne mais qui sera travaillée d’une autre manière.
Vous savez l'un de mes plats  tunisiens préférés c’est le couscous et en Tunisie on mange un couscous différent dans chaque région et dans chaque maison, j’ai même goÍ»té un couscous aux escargots, une association qui ne me serait jamais venue Í  l’idée… et avec ma mère on est en train d’écrire un livre sur ce plat aux multiples saveurs.

Ce que je veux aussi faire en Tunisie c’est réunir les chefs, car on a cet esprit de concurrence très ancré qui limite les échanges alors que notre métier est essentiellement basé sur le partage.

                                                                                                                                                                                                                                                      Propos recueillis par N. Azouz

Portrait Chinois :

Le bonheur parfait selon vous?

En vacances dans une villa Í  l’Í®le Maurice

Le principal trait de votre caractère?

Social 

Celui dont vous êtes le moins fier?

Je n’en ai pas

La qualité que vous préférez chez un homme ?

La sympathie

La qualité que vous préférez chez une femme?

La beauté

Quelle est votre plus grande peur?

M’éloigner de ma famille

Qu’est-ce qui vous exaspère chez les autres?

L’hypocrisie

Qu’appréciez-vous chez vos amis?

Leur esprit de fête

Quel est le comble de la misère?

Faire la cuisine dans le désert sous un soleil de plomb

Si vous étiez un sens?

Le toucher

Si vous étiez une saison?

Le printemps

Si vous étiez un pays?

Le Bresil

Si vous étiez un moyen de transport?

Un voiture avec chauffeur 

Si vous étiez une soirée idéale?

Une grosse bouffe avec les amis et proches

Si vous étiez un animal?

Un pelican

Si vous étiez une odeur?

L’odeur de la truffe

Si vous étiez une couleur?

Le rouge

Si vous étiez la pièce d'une maison?

Le hall d’entrée

Si vous étiez un plat?

Des cuisses de grenouille en persillade

Si vous étiez une partie du corps?

Au milieu des seins

Si vous étiez un instrument de musique?

Une trompette

Si vous étiez une époque?

La belle époque

Si vous étiez un mot?

Je

Si vous étiez un coup de gueule?

Je suis très calme mais j’en fais de temps en temps 

Si vous étiez un film?

Instinct

Si vous étiez un péché?

La gourmandise

Quel défaut doit avoir une femme pour vous plaire?

L’imperfection de la perfection