Interview de Tomatito

José Fernández Torres “Tomatito” est un virtuose hors pair et une figure emblématique du flamenco actuel. Son parcours artistique est jalonn�

Interview de Tomatito

José Fernández Torres “Tomatito” est un virtuose hors pair et une figure emblématique du flamenco actuel. Son parcours artistique est jalonné de collaborations importantes. Fervent admirateur de Paco de Lucia, dont il a été le guitariste attitré, il reconnait l'immense privilège d'avoir accompagné Camarͳn de la Isla pendant de nombreuses années. Tomatito a forgé son style personnel et résolument flamenco, maitrisant parfaitement cet art et explorant des univers nouveaux avec talent et maestria. Nous avons eu le plaisir de le retrouver dans sa loge, pour un entretien, avant qu'il ne monte sur la scène de la Salle Pleyel :

Jetset : Tu prépares un nouvel album 'Sonanta suite' dans lequel tu travailles avec un orchestre symphonique. Le fait de jouer avec un orchestre classique, est-ce un exercice de style ou est-ce une volonté de ta part de sortir du flamenco ?

José Fernández Torres :  Dans cet album, il y aura des thèmes que j'ai créés. Ce sont des versions flamencas que j'ai enregistré ainsi que des titres d'autres disques. Les seules choses qui ne sont pas des thèmes flamencos, ce sont deux ballades et un titre de Piazzola. Les autres sont des thèmes que j'ai conçus : la Solea de l'album 'Aguadulce' et les tangos du disque 'Rio de los Castaͱos'.

Jetset : Tu proposes donc une adaptation de ces thèmes avec un orchestre classique ?

José Fernández Torres : Oui, c'est une nouvelle version de ces thèmes. Je les joue différemment que dans les albums précédents, c'est-Í -dire de la manière dont je joue maintenant.

Jetset : Pourquoi cette nouvelle version ?

José Fernández Torres : Ce projet, je l'avais réalisé en direct avec plusieurs orchestres : j'étais Í  Tokyo en concert avec l'orchestre de Tokyo, Í  Cordoue avec l'orchestre de Cordoue, Í  Séville avec l'orchestre de Cadiz. C'est Juan Alberto Amargos qui a conçu les arrangements et qui est Í  l'origine du projet. C'est lui qui m'a proposé de rassembler tout cela dans un album.

Jetset : La sortie de l'album, quand est-elle prévue ?

José Fernández Torres : En février 2010, donc très bientÍ´t.

Jetset : Accompagner Camarͳn pendant 18 ans, cela a été très important pour toi. Que penses-tu que cette expérience a changé en toi ?

José Fernández Torres : J'ai toujours eu ma personnalité propre et ma manière de voir la musique, tout comme chacun de nous. Je ne sais pas ce que cela a changé en moi. J'ai toujours été très curieux, j'ai toujours écouté différentes musiques, d'autres musiciens. Je suis toujours en mouvement. Je crois que j'ai toujours été ainsi avec l'envie et l'aficion pour le flamenco, par-dessus tout.

Jetset : Quel moment important as-tu vécu avec Camarͳn ?

José Fernández Torres : Le fait d'enregistrer l'album 'La leyenda del tiempo' fut un grand évènement pour moi. C'était le premier album que j'enregistrais dans ma carrière. Trente ans après, je ressens encore que c'est la chose la plus importante qui me soit arrivée, en plus de connaitre Camarͳn et d'avoir été Í  ses cÍ´tés.

Jetset : Tu viens d'une grande famille musicale. Parmi les membres de ta famille, qui t'a le plus influencé et t'a apporté le plus ?

José Fernández Torres : Je pense que, du cÍ´té de mon père, tout le monde m'a apporté quelque chose... les gènes, j'y crois. De plus, toute ma famille écoutait de la musique, autant du cÍ´té de mon père que de ma mère. Il y a aussi ma terre natale, Almeria. LÍ -bas, j'allais beaucoup dans les tablaos et j'ai connu de grands guitaristes : Pedro Blanco et d'autres...

Jetset : Ton oncle, El Niͱo Miguel, a récemment reçu un concert d'hommage Í  Huelva. Quelles sont tes impressions Í  son sujet ?

José Fernández Torres : El Niͱo Miguel a été un génie de la guitare, mais il fut peu de temps sur le devant de la scène car il avait des problèmes de santé mentale. C'est un génie et tout ce qu'on dit Í  propos de lui, ce sont des louanges. Il est flamenco, il est moderne. Tout le monde le sait. En peu de temps, il a fait beaucoup plus que bien d'autres.

Jetset : A-t-il influencé Paco de Lucia, d'après toi ?

José Fernández Torres : Sans doute car ils sont de la même époque et c'était une grande époque. Je crois qu'El Niͱo Miguel aurait appris Í  tout le monde.

Jetset : Pourquoi et comment as-tu choisi les artistes qui forment ton sextet ?

José Fernández Torres : Dans un concert, j'aime diversifier le propos. Il y a donc des solos, des thèmes avec des palmas, d'autres avec des voix comme celles de David et Simͳn, d'autres thèmes avec le baile ainsi que moi-même. Le public et moi-même apprécions beaucoup le baile. C'est spectaculaire. Dans un spectacle flamenco, c'est bien qu'il y ait du chant, de la guitare et du baile car tous ces éléments sont nécessaires pour nous réjouir. Les artistes qui m'entourent, je les ai choisis car ce sont des amis et ils ont du talent. Christy qui est Í  la guitare, c'est mon neveu. Ce sont tous des jeunes qui ont envie de chanter, de jouer de la guitare, de danser et de nous divertir. C'est important de passer un bon moment.

Jetset : Comment les puristes et les flamencos traditionalistes ressentent-ils ton ouverture aux autres genres de musique ?

José Fernández Torres : Cela ne m'intéresse pas...

Jetset : Parmi les artistes d'autres horizons, tu t'intéresses aussi Í  Piazzola, n'est-ce pas ?

José Fernández Torres : Il y en a beaucoup qui m'intéressent. Piazzola est un musicien qui me plait. Sa musique est belle et très romantique. C'est très intéressant.

Jetset : Tu travailles sur des répertoires divers avec des musiciens d'horizons différents et tu demeures un guitariste flamenco. Comment expliques-tu cet état de fait ?

José Fernández Torres : Quand je réalise une version d'un standard de Piazzola ou d'un autre musicien, cela sonne flamenco car je sais que je suis flamenco et c'est important pour moi de le reconnaitre. Si j'interprète un thème de jazz, je ne le ferais pas mieux que les musiciens qui sont issus de cette culture car c'est une culture ancienne et il faut avoir baigné dedans depuis l'enfance pour la connaitre réellement. Ce que je fais, c'est du flamenco car c'est ce que je connais depuis tout petit et c'est ma culture.

Jetset : Quelle importance accordes-tu au rythme ?

José Fernández Torres : Un musicien qui maitrise le rythme peut faire quasiment tout. Celui qui ne le maitrise pas, il ne peut rien faire. Le rythme permet de conduire la musique et de jouer avec les autres, d'une manière harmonieuse. C'est important d'être un musicien rythmique.

Jetset : Tu travailles sur des répertoires divers avec des musiciens d'horizons différents et tu demeures un guitariste flamenco. Comment expliques-tu cet état de fait ?

José Fernández Torres : Quand je réalise une version d'un standard de Piazzola ou d'un autre musicien, cela sonne flamenco car je sais que je suis flamenco et c'est important pour moi de le reconnaitre. Si j'interprète un thème de jazz, je ne le ferais pas mieux que les musiciens qui sont issus de cette culture car c'est une culture ancienne et il faut avoir baigné dedans depuis l'enfance pour la connaitre réellement. Ce que je fais, c'est du flamenco car c'est ce que je connais depuis tout petit et c'est ma culture.

Jetset : Etre flamenco, c'est aussi une manière de ressentir, d'après toi ?

José Fernández Torres : Oui, un artiste flamenco aime et ressent cet art. Pour moi, le cante c'est très important. La voix naturelle de la vie, c'est ce qu'il y a de plus important. Celui qui écoute un chanteur flamenco et qui ne ressent pas dans son cœur le quejio, les moments de douleur, c'est qu'il n'est pas réceptif au flamenco et qu'il est ailleurs.

Jetset : Pour celui qui souhaite évoluer dans le flamenco, la passion lui permet-elle d'accéder Í  cet art ?

José Fernández Torres : Non, je crois qu'il faut voir les choses avec une certaine froideur et d'une manière tout simplement objective. Quand on est passionné, on peut se tromper aussi. Le fanatisme, c'est le pire des ennemis que peut avoir un musicien ou toute personne, en général.

Jetset : Quels sont les rêves que tu souhaiterais réaliser, en tant que musicien ? Un souhait majeur ?

José Fernández Torres : J'en ai beaucoup... Par-dessus tout, je souhaite que mon aficiͳn pour la musique continue et j'espère ne jamais m'ennuyer, continuer Í  chercher, Í  explorer et Í  aller de l'avant.

Jetset : Quel est le mot que tu préfères ?

José Fernández Torres : 'Paix', c'est le mot le plus important pour cette terre. "Etre en paix, être avec Dieu", comme je dis parfois.

Propos recueillis par Isabelle Jacq