
Mélissa Theuriau journaliste reporter de talent, rédactrice en chef de Zone interdite sur M6, elle a gravit les échelons grace Í son énergie et Í la passion qu’elle nourrit pour son travail, une jeune femme sublime mariée Í l’acteur comédien Jamel Debbouze qui ne tarit pas d’éloges quand on lui parle de sa bien aimée.
Mélissa a accepté de nous accorder cette interview, de nous parler d’elle, mais aussi de ce qu’elle pense de la Tunisie, de la révolution tunisienne et du monde arabe en général …
N.Azouz : Zone Interdite est une émission que les Tunisiens ne ratent jamais, ils vous connaissent et vous admirent, mais avant de parler du présent, penchons-nous un peu sur le passé. Parlez-nous de vos débuts, qu’est-ce qui vous a inspirée pour faire une carrière dans le journalisme ?
N.Azouz : Avez-vous toujours été aussi Í l’aise devant les caméras ?
Mélissa Theuriau : Non, bien sÍ»r, mais ça ne m'a jamais traumatisée non plus. J’ai vite été Í l'aise avec cet outil, même Í l'école de journalisme, j'aimais le micro de la radio et la caméra comme outils de transmission....
N.Azouz : Vous faites une émission qui traite souvent de sujets graves et délicats. Comment se déroulent vos enquêtes ? Est-ce que vous descendez aussi sur le terrain ?
Mélissa Theuriau : Dans Zone Interdite, nous traitons de phénomènes de société, parfois lourds et dérangeants mais aussi de sujets plus légers. Tous demandent de longues enquêtes, et de longs tournages échelonnés sur une année en moyenne. J'enregistre mes plateaux sur le terrain dès que possible afin d'aller Í la rencontre des personnes que nous avons suivies. Dans leur contexte, leur univers, elles sont souvent plus Í même de livrer une vérité que sur un plateau de télévision, un peu froid et impressionnant.
N.Azouz : Êtes-vous déjÍ venue en Tunisie ?
Mélissa Theuriau : Oui, plusieurs fois. J'ai enregistré deux émissions qui traitaient de la Tunisie dans "2, 3 jours avec moi", une émission de voyage que j'animais sur Paris Première. Enfin, dernièrement, j'y ai passé beaucoup de temps lors d'un long tournage de mon mari (Hors la loi de Rachid Bouchareb). Le tournage a duré 3 mois et je le rejoignais avec notre fils dès que possible.
N.Azouz : Quel est votre avis sur la révolution tunisienne ?
Mélissa Theuriau : Je la rapproche d'autres révolutions historiques comme celle des Oeillets au Portugal ou la chute du mur de Berlin. Cette révolte est historique : elle restera la première de notre 21e siècle. Je retiens le mélange des classes de cette révolte. Toutes les couches sociales étaient dans la rue, unies. La bourgeoisie intellectuelle, les classes moyennes, les banlieues. Femmes et hommes étaient mélangés et surtout, on n'a ni vu ni entendu aucun slogan religieux. Les mots d'ordre étaient : justice, dignité et liberté. Même si les islamistes s'y agrègent par la suite, cette révolution appartient au peuple et Í lui seul.
N.Azouz : Que pensez-vous de la position de la France concernant la révolution du jasmin ?
Mélissa Theuriau : Elle a été tardive. Je retiens une succession de maladresses qui ne m'ont pas rendue fière de mon pays, alors que le vÍ´tre vivait un moment historique.
N.Azouz : Comment voyez-vous l’avenir concernant le monde arabe qui subit des changements considérables depuis la révolution tunisienne ?
Mélissa Theuriau : J’y vois beaucoup d'espoir. Même si économiquement, politiquement, il faudra du temps et de la patience pour qu'un équilibre soit trouvé en harmonie avec une population consciente et éveillée. C'est un grand tournant dans notre siècle.
N.Azouz : Le régime Ben Ali a muselé les journalistes pendant 23 ans, mais depuis son départ, les langues se sont déliées et l’excès d’informations venant de n’importe o͹ a malheureusement pris le dessus. Quel conseil donneriez-vous aux journalistes tunisiens pour lutter contre les informations erronées et la désinformation ?
Mélissa Theuriau : Lorsque les partis politiques proposeront plus de transparence, les émissions suivront. La télé publique et la presse vont devoir faire l'objet d'une réforme en profondeur. Ça prendra du temps mais les Tunisiens ne doivent pas se faire voler leur délivrance qu'ils ont payée de leur sang. Il faut aller au bout. La révolution de l'information viendra de nouveaux médias citoyens. Il faut créer des sites en arabe, en français et en anglais pour tous les Tunisiens de France et de l'étranger afin qu'ils puissent voter en toute conscience.
N.Azouz : Comptez-vous réaliser une enquête sur la révolution tunisienne ?
Mélissa Theuriau : Malheureusement, M6 répartit ses enquêtes en fonction d'émissions bien définies. Ce qui touche Í l'actualité et Í l'étranger n'appartient pas au champ d'action de Zone Interdite. 66 minutes et Enquête Exclusive sont les magazines qui se doivent de traiter de cette révolution historique.
N.Azouz : Quel est le grand sujet sur lequel vous aimeriez enquêter ?
Mélissa Theuriau : En pleine révolution du monde arabe, j'ai Í cœur de me rendre Í Gaza o͹ le mot "révolution" ne veut plus dire grand-chose. Les Palestiniens naissent et meurent dans l'indifférence depuis des décennies. Ils n’ont pas les moyens d'une réelle révolution et ont déjÍ trop perdu. Je m'y rends Í la fin du mois pour réaliser un reportage sur la jeunesse gazaouie.
N.Azouz : Quels sont les sujets qui vous tiennent Í cœur ?
Mélissa Theuriau : Ceux qui touchent Í la solidarité. Tous les angles qui permettent de garder espoir dans une société qui aspire Í plus de justice, d'égalité, de partage. Nous traiterons bientÍ´t des familles d'accueil qui prennent en charge des enfants placés.
N.Azouz : Quels sont vos projets ?
Mélissa Theuriau : Une émission spéciale consacrée Í la jeunesse, Í notre jeunesse française. A l'aube d'une nouvelle élection présidentielle, il serait intéressant de se pencher sur les rêves, les souhaits, les frustrations, les projets de nos jeunes.
N.Azouz : En me documentant un peu sur vous et en regardant vos émissions, j’ai pu constater que vous êtes quelqu’un de direct qui ne mache pas ses mots. Est-ce lÍ le secret de votre réussite ?
Mélissa Theuriau : Je ne sais pas.
N.Azouz : Vous êtes la femme de Jamel Debbouze, qui est adulé en Tunisie. Si ce n’est pas trop indiscret, comment vous êtes-vous rencontrés ?
Mélissa Theuriau : Je faisais mon travail et lui le sien. Il participait au tournage du 3e volet d'Asterix en Espagne. J'étais lÍ pour réaliser un sujet sur les conditions de travail des figurants d'Alicante. Nous avons discuté, échangé sur l'actualité de notre pays. Tout ce qu'il disait était fin, pertinent, intelligent... Nous nous sommes revus bien plus tard Í Paris et avons repris notre discussion... L'évidence n'a pas tardé Í s'imposer.
N.Azouz : Vous faites un métier très prenant et votre mari aussi. Est-ce que vous arrivez Í concilier vie de famille et vie professionnelle ?
Mélissa Theuriau : Oui, car c'est notre priorité Í tous les deux. Nous organisons nos agendas pour passer le maximum de temps ensemble.
N.Azouz : Le fait de devenir mère vous a-t-il changé ?
Mélissa Theuriau : Comme toutes les femmes, je pense que oui. Pour être brève, je crois qu'en devenant mère, on relativise davantage et on va Í l'essentiel. En tout cas, j'organise mieux mon temps, ma vie, mes priorités. Je travaille mieux et plus intensément depuis que je suis maman.
N.Azouz : Avez-vous envie de jouer au cinéma ou Í la télé ? Avez-vous eu des propositions ?
Mélissa Theuriau : Si un projet fort et inattendu me parvenait, pourquoi pas ? Je réfute les étiquettes qui vous enferment dans un seul rÍ´le. En revanche, je suis pour la pluralité des casquettes, si talent il y a…
N.Azouz : Quelle est la question qu’on ne vous a jamais posée et sa réponse ?
Mélissa Theuriau : Celle que vous venez de me poser et Í laquelle je viens de répondre !
N.Azouz : Vous avez quartier libre pour passer un message aux Tunisiens
Mélissa Theuriau : Vous nous avez tant émus, bouleversés. Vous avez montré au monde entier qu'en ÉTANT SOLIDAIRE, le peuple est le plus fort. Vous êtes allés chercher, seuls, votre liberté. Ne lachez pas. Vous avez ouvert une voie historique et les mots dignité, liberté et justice vont enfin prendre le sens qui leur revient.
Propos recueillis par Neͯla Azouz